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Page:Massenet - Mes souvenirs, 1912.djvu/217

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MES SOUVENIRS
209

Ce fut lui qui vint m’ouvrir. Je restai tout interdit. Sa franchise, sa bonne grâce, la noblesse accueillante que sa haute stature imprimait à toute sa personne eurent bientôt fait de nous rapprocher.

Je passai en sa compagnie quelques instants d’un charme indéfinissable, causant avec la plus délicieuse simplicité dans sa chambre à coucher, puis sur la terrasse de son salon, d’où l’on dominait le port de Gênes, et, par delà, la haute mer dans l’horizon le plus lointain. J’eus cette illusion qu’il était lui-même un Doria me montrant avec orgueil ses flottes victorieuses.

En sortant de chez Verdi, je fus entraîné à lui dire que, « maintenant que je lui avais rendu visite, j’étais en Italie !… »

Comme j’allais reprendre la valise que j’avais déposée dans un coin sombre de la grande antichambre où se remarquaient de hauts fauteuils dorés, dans le goût italien du dix-huitième siècle, je lui dis qu’elle renfermait des manuscrits qui ne me quittaient jamais quand jevoyageais. Verdi, se saisissant brusquement de mon colis, me déclara qu’il agissait absolument comme moi, ne voulant jamais se séparer de son travail en cours. Que j’eusse préféré que ma valise contînt sa musique plutôt que la mienne ! Le maître m’accompagna ainsi, jusqu’à ma voiture, après avoir traversé les jardins de sa seigneuriale demeure.

. . . . . . . . . . . . . . . . . .

En rentrant à Paris, en février, j’appris, avec la plus vive émotion, que mon maître, Ambroise Thomas, était dangereusement malade.

Quoique souffrant, il n’avait pas craint de braver