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MES SOUVENIRS
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La première année de Don Quichotte, au théâtre des frères Isola aura eu quatre-vingts représentations consécutives de cet ouvrage.

J’ai plaisir à rappeler certains détails pittoresques qui m’ont vivement intéressé pendant les études de cet ouvrage.

C’est, d’abord, la curieuse audace que notre Belle Dulcinée, Lucy Arbell, eut de vouloir accompagner elle-même, sur la guitare, la chanson du quatrième acte. Elle parvint, en très peu de temps, à devenir une véritable virtuose sur cet instrument, dont on soutient les chants populaires en Espagne, en Italie et même en Russie. Ce fut une innovation charmante ; elle nous débarrassait de cette banalité : l’artiste frottant une guitare garnie de ficelles, tandis que, dans la coulisse, un instrumentiste exécute, d’où désaccord entre le geste de l’artiste et la musique. Jusqu’à ce jour, toutes les Dulcinées n’ont pu réaliser ce tour de force de la créatrice. Je me souviens aussi que, connaissant son habileté vocale, j’éclairai le rôle avec de hardies vocalises et que cela surprit fort, par la suite, plus d’une interprète ; et, pourtant, un contralto doit savoir vocaliser comme un soprano. Le Prophète et le Barbier de Séville en témoignent.

La mise en scène de l’acte des Moulins, si ingénieusement trouvée par Raoul Gunsbourg, se compliqua au théâtre de la Gaîté, tout en gardant cependant l’effet réalisé à Monte-Carlo.

Un échange de chevaux, fort habilement dissimulé au public, fit croire que Don Quichotte et son sosie n’étaient qu’un seul homme !

Une trouvaille aussi fut celle de Gunsbourg, lors-