Mon grand et cher illustre maître Massenet ne se doute pas qu’il fut le premier à m’applaudir à Paris.
Venant de Bordeaux, je me présentais au concours d’admission du Conservatoire, quand un des membres du jury se mit à battre des mains.
— Eh bien ! vous pouvez être contente, mademoiselle, me dit l’appariteur, c’est M. Massenet qui vous a applaudie !
J’étais follement heureuse. Pensez donc ! Mais, hélas ! ma joie fut courte… À peine rentrée dans le foyer où les « candidates » attendaient leur tour, je me vis assaillie par vingt jeunes filles qui m’interpellaient avec une volubilité rageuse. À travers ce flux de paroles, je distinguais pourtant ces mots :
— En a-t-elle de la chance !
— C’est vrai que Massenet vous a applaudie ?
— Pas possible !
— Si !
— Non !
— Ça se raconte.
Etc.
Heureusement, la mère d’une des concurrentes mit tout le monde d’accord en prononçant, avec autorité, cette phrase venimeuse :
— Je l’avais bien dit à ma fille : « Massenet applaudit toujours… quand on lui chante sa musique. »
Je venais de concourir dans le grand air de la Juive !!!