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MES DISCOURS
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son talent. Mais nous n’en devions pas moins un souvenir au vieil aveugle, qui, le premier, posa les mains de l’enfant merveilleux sur un clavier d’orgue dont il devait devenir le titulaire dès l’âge de dix ans.

Laval-Dieu, où professait cet Hanser dont J’ai parlé, fut le vrai berceau artistique de Méhul. C’était alors une puissante abbaye située tout près d’ici, de l’autre côté de la Meuse, où vivaient et priaient des chanoines de Prémontré, mettant tous leurs soins à posséder une des plus belles maîtrises de France, afin d’y chanter dignement les louanges du Seigneur.

C’est dans cette solitude propice aux méditations, dans un parc enchanteur aux riches végétations, que Méhul passa les plus belles années de sa vie. Il aimait à le direct à le répéter. C’est là qu’il reçut les fortes leçons d’Hanser, là aussi qu’il prit pour les fleurs cette passion qui ne le quitta plus. Toute sa vie, il se plut à en cultiver comme il avait fait à Laval-Dieu et ce lui fut souvent d’un grand secours.

Il est dans la vie des artistes bien des heures de lassitude, de doute, de découragement. Avec sa nature fine et impressionnable. Méhul les connut plus que tout autre. Il eut à lutter parfois contre la mauvaise fortune, contre les intrigues et les jalousies, même contre les douleurs privées. Dans ces jours d’amertume, Méhul se retournait du côté de ses fleurs et il y retrouvait des horizons roses, des douceurs parfumées. Il s’oubliait en de longues extases devant un parterre où toutes les couleurs se mariaient à ses yeux, comme tous les sons dans son esprit de musicien. Les tulipes surtout le dominaient et il y avait telles d’entre elles aux nuances vives et changeantes qui lui fai-