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Page:Massenet - Mes souvenirs, 1912.djvu/329

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MES DISCOURS
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En reproduisant cette page inoubliable de l’histoire de son pays, en donnant à sa Jeanne d’Arc cet aspect délicat, tout en laissant à l’héroïne le visage décidé et énergique, en la plaçant, contraste voulu, sur un de ces robustes chevaux du Perche comme les utilisaient, dans leurs chevauchées, les hommes bardés de fer du moyen âge, Frémiet a supérieurement rendu, dans sa profonde et parfaite éloquence, ce qu’on a nommé la philosophie, la leçon à tirer de l’histoire, par la statuaire. Il est passé maître en ce genre.

Notre illustre confrère portait avec une modestie souriante le poids de ses glorieux travaux. Il suivait, avec une ponctualité qu’aucun de nous n’a oubliée, les séances de l’Académie des Beaux-Arts, montrant sa belle et verte vieillesse, prenant la part la plus consciencieuse à ses travaux, servant ainsi d’exemple aux plus tard venus dans la carrière ; et quand, dans ces temps récents, en pleine inondation, force fut, pour arriver à l’Institut, d’y aborder en canots, il ne fut pas le dernier à prendre séance !

Son cœur était à la fois généreux et tendre, et sa conversation n’avait rien de ce marbre glacial qu’il savait si admirablement sortir de sa froidure pour lui imprimer sa chaleur et sa vie.

Il y a peu de semaines, nous étions avec lui à l’Institut, dont il était le patriarche vénéré, et il nous parlait de sa mort (la pressentait-il déjà prochaine ?) avec une sérénité, une résignation admirables ; nous l’écoutions silencieux, émus. Nous ne pensions pas que l’heure suprême dût si tôt sonner pour notre cher et grand maître.

Rien des honneurs que l’on décerne aux vivants ne