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MES DISCOURS

surtout, c’est la recherche des véritables origines nationales de notre histoire. Et voyez son énergie et son opiniâtreté :

Pour approfondir les mystères de nos premières destinées, il juge que la connaissance du breton d’Armorique lui donnerait des facilités ; il l’apprend. Puis constatant que le bas-breton ne suffit pas et qu’il trouverait de nouvelles forces à savoir le gallois, il l’apprend aussi. Amené enfin à reconnaître que l’irlandais a grande importance en un tel objet, il l’apprend encore.

C’en était trop ! D’Arbois de Jubainville devait être des vôtres. Il en fut, en 1884. C’est en s’appuyant sur la philologie plus que sur l’archéologie qu’il entreprit de résoudre le problème ardu des origines françaises. Aux illusions dorées du rêve, il opposa la précision rigide du document. Et là, tout en rendant hommage à l’énergie et à la rudesse victorieuse de d’Arbois, les artistes, qui sont de grands enfants, auront parfois le regret qu’on leur ait gâté ces récits, contes de fées si l’on veut, si délicatement sertis, qui bercèrent leur jeunesse et ouvrirent leur imagination.

Il est permis de croire d’ailleurs que d’Arbois de Jubainville s’en rendit compte lui-même, sur la fin de sa vie. Que lui advint-il en effet ? Il fréquentait alors le salon de Gaston Pâris, si achalandé en gens de lettres remarquables. Il y rencontra de grands esprits, de vastes cerveaux comme ceux de Renan et de Taine ; il s’y frotta à des poètes radieux comme Sully Prudhomme et de Hérédia. Ce sont là séductions auxquelles on n’échappe guère. Ce qui devait arriver, arriva. L’imagination prit un jour sa revanche. Où