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Page:Massenet - Mes souvenirs, 1912.djvu/350

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MES DISCOURS

L’épouse vénérée de mon grand et tendre maître devait avoir cette touchante attention dont profiteront désormais les concurrents au grand prix de composition musicale.

Nous avons en face de nous de la jeunesse radieuse, les triomphateurs des derniers concours, le futur convoi pour la Villa Médicis, bagne fleuri des arts, et nous prenons notre part de leur joie et de leurs espérances. Sans doute, mes jeunes amis, nous sommes le crépuscule et vous êtes l’aurore. Mais un dicton prétend qu’au coeur des artistes vit un printemps éternel. Dépêchons-nous d’y croire.

S’il en fallait un exemple, ne le trouverions-nous pas de suite chez notre grand Frémiet, que nous venons d’avoir la douleur de perdre, la seule qu’il nous ait faite en sa longue vie de quatre-vingt-six années.

Prenez-le à ses débuts, à l’heure des premières difficultés. Il lutte, mais dans l’allégresse de ses vingt ans, soutenu par sa foi et l’œil obstinément fixé vers les horizons qui le tentent. Il est employé aux moulages anatomiques du musée Orfila — il l’a bien fallu pour vivre — mais de ce stage à la clinique de l’Ecole de médecine, quelles leçons il sait tirer ! Il en profite pour étudier de plus près l’anatomie des fauves et le jeu de leurs muscles. Ces années de labeur obscur feront plus tard sa force et sa puissance.

On est toujours le neveu de quelqu’un, selon la formule de Figaro ; Frémiet eut la chance d’être celui de Rude. Quel maître et quel élève ! De Rude il tenait les principes solides de son métier ; mais qu’il sut rester, malgré tout, personnel et original ! « Celui qui