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MES DISCOURS
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Nous garderons longtemps le souvenir de ce galant homme si courtois et si finement disert.

Et voici encore une curieuse figure d’artiste qui disparaît avec sir William Quiller Orchardson, un de nos membres associés.

Il fut peintre de genre et portraitiste très intéressant, comme le sont en général les artistes anglais, chez qui l’on sent un vif souci de la ressemblance cherchée même au delà des traits du modèle et jusque dans son âme intime. Une fois, il s’élève à la grande peinture d’histoire avec son Napoléon sur le « Bellérophon ». L’œuvre est restée célèbre, popularisée par la gravure et la photographie.

Aux jours qui précédèrent sa mort, il achevait le portrait de lord Blyth. Se sentant atteint gravement, il dut prendre le lit. C’était la fin et il s’y résignait, quand sa femme, stoïque et courageuse comme une ancienne Romaine, lui demanda s’il ne voulait pas signer sa dernière œuvre. Il se fit alors conduire devant la toile, y mit ses initiales tremblantes, se recoucha et mourut. Belle fin d’artiste !

Mais secouons cette poussière de tombes, et n’attristons pas davantage par des images funèbres cette jeunesse vivante, qui est trop loin de la mort pour y croire et qui attend de nous simplement son viatique pour le voyage à Rome.

Rome ! c’est la ville sainte où vous trouverez le réconfort et la méditation féconde. Oh ! je sais, vous avez rencontré déjà des esprits forts ou des doctrinaires à tous crins qui ont tenté de vous en détourner, qui vous ont représenté comme du temps perdu et de la paresse ces années bénies entre toutes. Méfiez-vous