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MES DISCOURS

bien voulu pénétrer en mon œuvre modeste. — Moi ? interrompait Gounod, je ne la connais pas, je ne l’ai entendue ni lue. — Mais alors ? » répliquait Lenepveu légèrement interloqué. Gounod de mettre alors un doigt mystérieux sur ses lèvres et de laisser tomber ces paroles fatidiques : « Ni vue, ni connue, mais par les effets on devine les causes. » Et le bon Lenepveu de s’esclaffer au souvenir de cette histoire.

Toute cette gaieté n’est plus. Je sais que vous avez du chagrin d’avoir perdu cet excellent camarade. Vous comprendrez donc mon émotion et ma douleur personnelle d’avoir perdu, moi, cet ami très affectionné, auprès duquel j’avais, pour ainsi dire, vécu côte à côte, devisant des mêmes choses, tout le long de la route humaine, et marquant chacun sur le calepin de notre jeunesse laborieuse plus d’heures noires que d’heures blanches.

Heureusement, pour nous musiciens, les blanches valaient deux noires.

De Georges Berger, qui fut l’un des plus aimables et des plus qualifiés parmi nos membres libres, j’ai fait l’éloge mérité dans un précédent discours, et passerai cette fois plus brièvement, car le temps presse et j’entends les violons s’accorder. Véritable gentilhomme d’art, il prit toujours en main notre cause et la servit loyalement, chaque fois qu’il en eut l’occasion. C’est surtout dans les grandes expositions, dont il était l’âme et l’organisateur habile, que nous l’avons rencontré, pour nous faire la place la plus belle. À la Chambre des députés aussi, son éloquence prit souvent et victorieusement la défense de nos intérêts.