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MES SOUVENIRS
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J’y travaillai durant l’été et l’hiver 1869, et au printemps 1870. Le 12 juillet de cette même année, l’ouvrage étant terminé depuis quelques jours, Michel Carré me donna rendez-vous dans la cour de l’Opéra, rue Drouot. Il comptait dire au directeur, Émile Perrin, qu’il fallait jouer cet ouvrage, qu’il en aurait une grande satisfaction.

Émile Perrin était absent.

Je quittai Michel Carré, qui m’embrassa violemment, en me faisant : « Au revoir ! sur la scène de l’Opéra ! »

Je rentrai le soir même de notre démarche à Fontainebleau, où j’habitais.

J’allais être heureux…

Mais l’avenir était trop beau !

Le lendemain matin, les journaux annonçaient la déclaration de guerre de la France à l’Allemagne, et Michel Carré lui-même, je ne devais plus le revoir. Il mourut quelques mois après cette touchante entrevue, qui semblait devoir être décisive pour moi.

Adieu, les projets si beaux à Weimar ! Adieu mes espérances à l’Opéra ! Adieu, adieu aussi aux miens !

C’était la guerre, la guerre dans toute son épouvante et ses horreurs, qui allait ensanglanter le sol de notre France !

Je partis.

. . . . . . . . . . . . . . . . . .

Je ne reprendrai mes souvenirs qu’après l’Année terrible consommée. Je ne veux pas faire revivre des heures aussi cruelles ; je veux, mes chers enfants, vous en épargner les lugubres récits.