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MES SOUVENIRS

dilhe, l’auteur de Patrie, qui fut plus tard mon confrère à l’Institut.

Ayant été soumis à un régime de privations de toute nature pendant tant de mois, la vie que je revivais me sembla plus exquise ; elle ramena en moi la bonne humeur ; redonna le calme et la sérénité à mon esprit. C’est ainsi que je pus écrire cette seconde suite d’orchestre, exécutée quelques années plus tard aux Concerts du Châtelet.

On rentra de bonne heure à Paris. On était désireux de revoir au plus tôt la grande ville, si éprouvée. À peine de retour, je rencontrai Émile Bergerat, le spirituel et délicieux poète, qui devint le gendre de Théophile Gautier.

Théophile Gautier ! Quel nom cher aux lettres françaises ! De quelle gloire étincelante ne les a-t-il pas comblées, cet illustre Benvenuto du style, ainsi qu’on l’a appelé !

Dans une visite qu’il fit un jour à son futur beau-père, Bergerat m’emmena avec lui.

Quelle inexprimable sensation j’éprouvai en approchant ce grand poète ! Il n’était pas à l’aurore de la vie, mais quelle jeunesse encore, quelle vivacité dans la pensée, quelle richesse dans les images dont ses moindres paroles étaient ornées ! Quelle variété de connaissances !

Je le trouvai assis dans un grand fauteuil, entouré de trois chats. Comme j’ai toujours eu une passion pour ces jolies bêtes, j’en fis aussitôt mes camarades, ce qui me mit dans les bonnes grâces de leur maître.

Bergerat, en qui j’ai conservé l’ami le plus charmant, lui apprit que j’étais musicien et qu’un ballet,