Aller au contenu

Page:Massenet - Mes souvenirs, 1912.djvu/96

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
88
MES SOUVENIRS

Pris au dépourvu, je me mis à chanter un fragment de mon drame sacré : Marie-Magdeleine.

À défaut de voix, je possédais, à cet âge, beaucoup d’élan dans la façon de chanter ma musique. Maintenant je la parle et, malgré l’insuffisance de mes moyens vocaux, mes artistes en sont bien pénétrés quand même.

Je chantais donc, si j’ose dire, lorsque Mme Pauline Viardot, penchée vers le clavier et suivant mes doigts, me dit avec un accent d’émotion inoubliable : « Qu’est-ce que cela ? » — « Un ouvrage de jeunesse, Marie-Magdeleine, qui n’attend même plus l’espoir d’être exécuté, » lui dis-je. — « Comment ? Eh bien ! il le sera, et c’est moi qui serai votre Marie-Magdeleine. »

Je rechantai aussitôt cette scène de la Magdeleine à la croix :


Ô bien-aimé ! Sous ta sombre couronne…


Lorsque mon éditeur Hartmann connut cet événement, il voulut faire pièce à Pasdeloup qui, ayant entendu naguère la partition, l’avait refusée presque brutalement, et il créa, en collaboration avec Duquesnel, à l’Odéon, le Concert National. Ce nouveau concert populaire eut pour chef d’orchestre Édouard Colonne, mon ancien camarade au Conservatoire, choisi déjà par moi pour diriger les Érinnyes.

La maison d’édition Hartmann était le rendez-vous de toute notre jeunesse, y compris César Franck, dont les œuvres sublimes n’étaient pas encore répandues.

Le petit magasin du 17 du boulevard de la Made-