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plupart de nos Français eurent le visage et les mains brûlées du feu, et les yeux aveuglés de la fumée que fit cette machine ; de quoi les Iroquois prenant avantage, se saisirent de toutes les meurtrières, et de dehors tiraient et tuaient dans le Fort ceux qu’ils pouvaient découvrir dans l’épaisseur de la fumée ; ce qui les anima de telle sorte, qu’ils montèrent sur les pieux, la hache à la main, descendirent dans le Fort de tous côtés, et y remplirent tout de sang et de carnage, avec tant de furie qu’il n’y demeura que cinq Français et quatre Hurons en vie, tout le reste ayant été tué sur la place, avec le chef de tous nommé Anahotata qui, se voyant prêt à expirer, pria qu’on lui mît la tête dans le feu, afin d’ôter à l’Iroquois la gloire d’emporter sa chevelure. “Laudavi magis mortuos quam viventes”. Ce fut sans doute dans cette pensée du Sage, qu’un de nos Français fit un coup surprenant : car voyant que tout était perdu, et s’étant aperçu que plusieurs de ses compagnons blessés à mort vivaient encore, il les acheva à grands coups de hache, pour les délivrer par cette inhumaine miséricorde, des feux des Iroquois. Et de fait, la cruauté succédant à la fureur, deux Français ayant été trouvés parmi les morts, avec quelque souffle de vie qui leur restait, on les fit la proie des flammes ; au lieu d’huile pour adoucir leurs plaies, on y fourra des tisons allumés et des alênes toutes rouges ; au lieu du lit pour soutenir les membres de ces pauvres moribonds, on les coucha sur la braise : en un mot on brûla cruellement ces pauvres agonisants dans toutes les parties du corps, tant qu’ils demeurèrent en vie.

Pour les cinq autres Français, avec tout le reste des captifs, tant ceux qui se sont rendus volontairement, que ceux qui ont été pris, on les oblige de monter sur un échafaud, ou on leur fait les premières caresses des prisonniers. On présente aux uns du feu à manger, on coupe les doigts aux autres, on brûle les jambes et les bras à quelques autres : tous enfin reçoivent les marques de leur captivité.