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Ce spectacle d’horreur si agréable aux yeux des Iroquois, ne le fut pas moins, je m’assure, aux yeux des anges, quand un des pauvres prisonniers hurons, se souvenant des instructions qu’on lui avait faites, se mit à se faire prédicateur et à exhorter tous ces patients à souffrir constamment ces cruautés, qui passeraient bientôt, et seraient suivies du bonheur éternel, puisque ce n’était que pour la gloire de Dieu et pour le zèle de la religion, qu’ils avaient entrepris cette guerre contre les ennemis de la foi. Je ne sais si l’Église naissante a vu rien de plus beau dans ses persécutions : un barbare prêcher Jésus-Christ, et faire d’un échafaud une chaire de docteur, et si bien faire que l’échafaud se change en chapelle pour ses auditeurs, qui, parmi leurs tourments et au milieu des feux font leurs prières comme s’ils étaient aux pieds des autels, et ils ont toujours continué à les faire pendant leur captivité, s’y exhortant, les uns les autres lorsqu’il se rencontraient.

Après que la première rage des Iroquois fut rassasiée par la vue de leurs prisonniers, et par ces coups d’essai de leur cruauté, ils font le partage de leurs captifs : deux Français sont donnés aux Agnieronnons, deux aux Onnontagheronnons, le cinquième aux Onnei8theronnons pour leur faire goûter à tous de la chair des Français, et leur faire venir l’appétit et l’envie d’en manger, c’est-à-dire, les inviter à une sanglante guerre pour venger la mort d’une vingtaine de leurs gens tués en cette occasion. Après la distribution, on décampe, et l’on quitte la résolution prise de venir inonder sur nos habitations, pour mener au plus tôt dans le pays ces misérables victimes, destinées à repaître la rage et la cruauté de la plus barbare de toutes les Nations. Il faut ici, donner la gloire à ces dix-sept Français de Montréal, et honorer leurs cendres d’un éloge qui leur est dû avec justice, et que nous ne pouvons leur refuser sans ingratitude. Tout était perdu s’ils n’eussent péri, et leur malheur a sauvé ce pays, ou du moins a conjuré l’orage qui venait y fondre, puisqu’ils en ont arrêté les premiers efforts, et détourné tout-à-fait le cours.