Page:Massillon - Sermons et morceaux choisis, 1848.djvu/232

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vrais Israélites se trouvait-il un seul lépreux qu’on fut obligé d’éloigner de l’autel saint, et de séparer de la communion de ses frères.

Mais depuis, la foi s’affaiblissant en commençant à s’étendre, le nombre des justes diminuant à mesure que celui des fidèles augmentait, le progrès de l’Évangile a, ce semble, arrêté celui de la piété ; et le monde entier devenu chrétien a porté enfin avec lui dans l’Église sa corruption et ses maximes. Hélas ! nous nous égarons presque tous dès le sein de nos mères : le premier usage que nous faisons de notre cœur est un crime ; nos premiers penchants sont des passions, et notre raison ne se développe et ne croît que sur les débris de notre innocence. La terre, dit un prophète, est infectée par la corruption de ceux qui l’habitent ; tous ont violé les lois, changé les ordonnances, rompu l’alliance qui devait durer éternellement ; tous opèrent l’iniquité, et à peine s’en trouve-t-il un seul qui fasse le bien ; l’injustice, la calomnie, le mensonge, la perfidie, l’adultère, les crimes les plus noirs, ont inondé la terre : Mendacium, et furtum, et adullerium, inundaverunt (OSÉE, c. 4). Le frère dresse des embûches au frère ; le père est séparé de ses enfants, l’époux de son épouse ; il n’est point de lien qu’un vil intérêt ne divise ; la bonne foi n’est plus que la vertu des simples ; les haines sont éternelles ; les réconciliations sont des feintes, et jamais on ne regarde un ennemi comme un frère : on se déchire, on se dévore les uns les autres ; les assemblées ne sont plus que des censures publiques ; la vertu la plus entière n’est plus à couvert de la contradiction des langues ; les jeux sont devenus ou des trafics, ou des fraudes, ou des fureurs ; les repas, ces liens innocents de la société, des excès dont on n’oserait parler ; les plaisirs publics, des écoles de lubricité : notre siècle voit des horreurs que nos pères ne connaissaient même pas ; la ville est une Ninive pécheresse ; la cour est le centre de toutes les passions humaines ; et la vertu, autorisée par l’exemple du souverain, honorée de sa bienveillance, animée par ses bienfaits, y rend le crime plus circonspect, mais