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si rare ? Je vais en marquer trois principales, et voilà le seul plan de ce discours : l’art et les recherches seraient ici mal placés. Appliquez-vous, qui que vous soyez : le sujet ne saurait être plus digne de votre attention, puisqu’il s’agit d’apprendre quelles peuvent être les espérances de votre destinée éternelle, implorons, etc. Ave, Maria, etc.


PREMIÈRE PARTIE.

Peu de gens se sauvent, parce qu’on ne peut comprendre dans ce nombre que deux sortes de personnes, ou celles qui ont été assez heureuses pour conserver leur innocence pure et entière, ou celles qui, après l’avoir perdue, l’ont retrouvée dans les travaux de la pénitence : première cause. Il n’y a que ces deux voies de salut ; et le ciel n’est ouvert, ou qu’aux innocents ou qu’aux pénitents. Or, de quel côté êtes-vous ? êtes-vous innocent ? êtes-vous pénitent ? Rien de souillé n’entrera dans le royaume de Dieu : il faut donc y porter ou une innocence conservée ou une innocence recouvrée. Or, mourir innocent est un privilège où peu d’âmes peuvent aspirer ; vivre pénitent est une grâce que les adoucissements de la discipline et le relâchement de nos mœurs rendent presque encore plus rare.

En effet, qui peut prétendre aujourd’hui au salut par un titre d’innocence ? Où sont ces âmes pures en qui le péché n’ait jamais habité, et qui aient conservé jusqu’à la fin le trésor sacré de la première grâce que l’Église leur avait confié dans le baptême, et que Jésus-Christ leur redemandera au jour terrible des vengeances ?

Dans ces temps heureux où toute l’Église n’était encore qu’une assemblée de saints, il était rare de trouver des fidèles qui, après avoir reçu les dons de l’Esprit saint, et confessé Jésus-Christ dans le sacrement qui nous régénère, retombassent dans le dérèglement de leurs premières mœurs. Ananie et Saphire furent les seuls prévaricateurs de l’Église de Jérusalem ; celle de Corinthe ne vit qu’un incestueux ; la pénitence canonique était alors un remède rare ; et à peine parmi ces