Page:Massillon - Sermons et morceaux choisis, 1848.djvu/239

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le sacerdoce a encore ses Phinée ; la magistrature ses Samuel ; l’épée ses Josué ; la Cour ses Daniel, ses Esther et ses David ; car le monde ne subsiste que pour vos élus, et tout serait détruit si leur nombre était accompli : mais ces restes heureux des enfants d’Israël qui se sauveront, que sont-ils, comparés aux grains de sable de la mer ; je veux dire à cette multitude infinie qui se damne ? Venez nous demander après cela, mes frères, s’il est vrai que peu seront sauvés. Vous l’avez dit, ô mon Dieu ! et par-là c’est une vérité qui demeure éternellement. Mais quand Dieu ne l’aurait pas dit, je ne voudrais en second lieu, que voir un instant ce qui se passe parmi les hommes ; les lois sur lesquelles ils se gouvernent, les maximes qui sont devenues les règles de la multitude : et c’est ici la seconde cause de la rareté des élus, qui n’est proprement qu’un développement de la première ; la force des coutumes et des usages.

SECONDE PARTIE.

Peu de gens se sauvent, parce que les maximes les plus universellement reçues dans tous les états, et sur lesquelles roulent les mœurs de la multitude, sont des maximes incompatibles avec le salut : sur l’usage des biens, sur l’amour de la gloire, sur la modération chrétienne, sur les devoirs des charges et des conditions, sur le détail des œuvres prescrites, les règles reçues, approuvées, autorisées dans le monde, contredisent celles de l’Évangile ; et dès là elles ne peuvent que conduire à la mort.

Je n’entrerai pas ici dans un détail trop vaste pour un discours, et trop peu sérieux même pour la chaire chrétienne. Je ne vous dis pas que c’est un usage établi dans le monde, qu’on peut mesurer sa dépense sur son bien et sur son rang ; et que pourvu que ce soit du patrimoine de ses pères, on peut s’en faire honneur, ne mettre point des bornes à son luxe, et ne consulter dans ses profusions, que son orgueil et ses caprices. Mais la modération chrétienne a ses règles ; mais vous n’êtes pas le maître absolu de vos biens ; et tandis surtout