Page:Massillon - Sermons et morceaux choisis, 1848.djvu/240

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que mille malheureux souffrent, tout ce que vous employez au-delà des besoins et des bienséance de votre état, est une inhumanité et un vol que vous faites aux pauvres. Ce sont là, dit-on, des raffinements de dévotion; et en matière de dépense et de profusion, rien n’est blâmable et excessif selon le monde, que ce qui peut aboutir à déranger la fortune et altérer les affaires. Je ne vous dis pas que c’est un usage reçu, que l’ordre de la naissance, ou les intérêts de la fortune décident toujours de nos destinées, et règlent le choix du siècle ou de l’Église, de la retraite ou du mariage. Mais la vocation du Ciel, ô mon Dieu ! prend-elle sa source dans les lois humaines d’une naissance charnelle ? On ne peut pas tout établir dans le monde, et il serait triste de voir prendre à des enfants des partis peu dignes de leur rang et de leur naissance. Je ne vous dis pas que l’usage veut que les jeunes personnes du sexe, qu’on élève pour le monde, soient instruites, de bonne heure de tous les arts propres à réussir et à plaire, et exercées avec soin dans une science funeste, sur laquelle nos cœurs ne naissent que trop instruits. Mais l’éducation chrétienne est une éducation de retraite, de pudeur, de modestie, de haine du monde. On a beau dire ; il faut vivre comme on vit : et des mères, d’ailleurs chrétiennes et timorées, ne s’avisent pas même d’entrer en scrupule sur cet article.

Ainsi vous êtes jeune encore ; c’est la saison des plaisirs : il ne serait pas juste de vous interdire à cet âge, ce que tous les autres se sont permis : des années plus mûres amèneront des mœurs plus sérieuses. Vous êtes né avec un nom ; il faut parvenir à force d’intrigues, de bassesses, de dépense ; faire votre idole de votre fortune ; l’ambition, si condamnée par les règles de la foi, n’est plus qu’un, sentiment digne de votre nom et de votre naissance. Vous êtes d’un sexe et d’un rang qui vous met dans les bienséances du monde ; vous ne pouvez pas vous faire des mœurs à part : il faut vous trouver aux réjouissances publiques, aux lieux où celles de votre rang et de votre âge s’assemblent ; être des mêmes plaisirs, passer les