Page:Massillon - Sermons et morceaux choisis, 1848.djvu/634

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prit, et qui s’est humilié, sous la main de Dieu, dans le temps même que l’adulation semblait le mettre au-dessus de l’homme !

Oui, mes frères, la grandeur et les victoires du roi que nous pleurons ont été autrefois assez publiées : la magnificence des éloges a égalé celle des événements : les hommes ont tout dit, il y a longtemps, en parlant de sa gloire. Que nous reste-t-il ici, que d’en parler pour notre instruction ?

Ce roi, la terreur de ses voisins, l’étonnement de l’univers, le père des rois ; plus grand que tous ses ancêtres, plus magnifique que Salomon dans toute sa gloire, a reconnu comme lui que tout était vanité. Le monde a été ébloui de l’éclat qui l’environnait ; ses ennemis ont envié sa puissance ; les étrangers sont venus des îles les plus éloignées baisser les yeux devant la gloire de sa majesté ; ses sujets lui ont presque dressé des autels ; et le prestige qui se formait autour de lui n’a pu le séduire lui-même.

Vous l’aviez rempli, ô mon Dieu ! de la crainte de votre nom ; vous l’aviez écrit sur le livre éternel, dans la succession des saints rois qui devaient gouverner vos peuples ; vous l’aviez revêtu de grandeur et de magnificence. Mais ce n’était pas assez ; il fallait encore qu’il fût marqué du caractère propre de vos élus : vous avez récompensé sa foi par des tribulations et par des disgrâces. L’usage chrétien des prospérités peut nous donner droit au royaume des cieux ; mais il n’y a que l’affliction et la violence qui nous l’assurent.

Voyons-nous des mêmes yeux, mes frères, la vicissitude des choses humaines ? Sans remonter aux siècles de nos pères, quelles leçons Dieu n’a-t-il pas données au nôtre ? Nous avons vu toute la race royale presque éteinte ; les princes, l’espérance et l’appui du trône, moissonnés à la fleur de leur âge ; l’époux et l’épouse auguste, au milieu de leurs plus beaux jours, enfermés dans le même cercueil, et les cendres de l’enfant suivre tristement et augmenter l’appareil lugubre de leurs funérailles ; le roi, qui avait passé d’une minorité orageuse au règne le plus glorieux dont il soit parlé dans nos histoires, retomber de cette gloire dans des malheurs presque supérieurs à ses anciennes prospérités, se relever encore plus grand de toutes ces pertes, et survivre à tant d’événements divers pour rendre gloire à Dieu, et s’affermir dans la foi des biens immuables.