Page:Massillon - Sermons et morceaux choisis, 1848.djvu/639

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las ! ces nations insulaires et simples nous envoyaient leur or et leur argent, et nous leur portions peut-être en échange, au lieu de la foi, nos dérèglements et nos vices.

Le commerce, si étendu au dehors, fut facilité au dedans par des ouvrages dignes de la grandeur des Romains. Des rivières, malgré les terres et les collines qui les séparaient, virent réunir leurs eaux, et porter au pied des murs de la capitale le tribut et les richesses diverses de chaque province. Les deux mers qui entourent et qui enrichissent ce vaste royaume se donnèrent pour ainsi dire la main ; et un canal miraculeux, par la hardiesse et les travaux incompréhensibles de l’entreprise, rapprocha ce que la nature avait séparé par des espaces immenses.

Il était réservé à Louis d’achever ce que les siècles précédents de la monarchie n’auraient même osé souhaiter ; c’était le règne des prodiges : nos pères ne les avaient pas même imaginés, et nos neveux n’en verront jamais de semblables ; mais, plus heureux que nous, ils verront peut-être le règne de la paix, de la frugalité, et de l’innocence. Qu’ils n’arrivent jamais au comble frivole de notre gloire, plutôt que de l’acheter au prix des vices et des malheurs où elle nous a précipités !

Il est vrai que les soins de Louis, pour augmenter l’éclat et le bon ordre du royaume, ne se proposaient point de bornes. La ville régnante, l’abord de toutes les nations, et qui rassemble le choix comme le rebut de nos provinces, vit ce nombre prodigieux d’habitants si différents de mœurs, d’intérêts, de pays, vivre comme un seul homme. La police y ôta au crime la sûreté que la confusion et la multitude lui avaient jusque-là donnée. Au milieu de ce chaos régnèrent l’ordre et la paix, et, dans ce concours innombrable d’hommes si inconnus les uns aux autres, nul presque ne fut inconnu à la vigilance du magistrat.

Le royaume entier changea de face comme la capitale : la justice eut des lois fixes ; et le bon droit ne dépendit plus ou du caprice du juge, ou du crédit de la partie ; des règlements utiles, et qui deviendront la jurisprudence de tous les règnes à venir, furent publiés ; l’étude du droit français et du droit public se ranima ; des sénateurs célèbres, et dont les noms formeront un jour la tradition des grands hommes qui embelliront l’histoire de la magistrature, ornèrent nos tribunaux ; l’éloquence et la science