Page:Massillon - Sermons et morceaux choisis, 1848.djvu/640

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des lois et des maximes brillèrent dans le barreau, et la tribune du sénat principal devint aussi célèbre par la majesté des plaidoyers publics, que l’avait été, sous les Hortense et sous les Cicéron, celle de Rome.

À quel point de perfection les sciences et les arts ne furent-ils pas portés ? Vous en serez les monuments éternels, écoles fameuses rassemblées autour du trône, et qui en assurez plus l’éclat et la majesté que les soixante vaillants qui environnaient le trône de Salomon[1] ! l’émulation y forma le goût ; les récompenses augmentèrent l’émulation ; le mérite, qui se multipliait, multiplia les récompenses.

Quels hommes et quels ouvrages vois-je sortir à la fois de ces assemblées savantes ? des Phidias, des Apelles, des Platons, des Sophocles, des Plautes, des Démosthènes, des Horaces ; des hommes et des ouvrages, au goût desquels le goût des âges futurs de la monarchie se rappellera toujours ? Je vois revivre le siècle d’Auguste, et les temps les plus polis et les plus cultivés de la Grèce. Il fallait que tout fût marqué au coin de l’immortalité sous le règne de Louis, et que les époques des lettres y fussent aussi célèbres que celles des victoires.

La France a retenti longtemps de ces pompeux éloges, et nous nous sommes comme rassasiés là-dessus de nos propres louanges. Mais, le dirai-je ici ? en ajoutant à la science, nous avons ajouté au travail et à la malice ; les arts, en flattant la curiosité, ont enfanté la mollesse ; le théâtre plus florissant, mais toujours le triste fruit de l’abondance, de l’oisiveté, et de la corruption, on a donné du ridicule au vice sans corriger les mœurs, on a corrompu les mœurs en rendant le vice plus aimable ; la poésie, en nous rappelant tout le sel et tous les agréments des anciens, nous en a rappelé les séductions et la licence : la philosophie a paru perdre du côté de la simplicité de la foi ce qu’elle acquérait de plus sur les connaissances de la nature : l’éloquence, toujours flatteuse dans les monarchies, s’est affadie par des adulations dangereuses aux meilleurs princes ; enfin, la science même de la religion, plus exacte et plus approfondie, et d’où devaient naître la paix et la vérité, a dégénéré en vaines subtilités, et éternisé les disputes. Ô siècle si vanté ! votre ignominie s’est donc multipliée

  1. Cant. c. 3, v. 7.