Page:Massillon - Sermons et morceaux choisis, 1848.djvu/648

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vengeances, ô mon Dieu ! se préparent encore de nouvelles victimes ; ses derniers soupirs soufflent la douleur et la mort dans le cœur de son royal époux[1]. Les cendres du jeune prince se hâtent de s’unir à celles de son épouse ; il ne lui survit que les moments rapides qu’il faut pour sentir qu’il l’a perdue ; et nous perdons avec lui les espérances de sagesse et de piété qui devaient faire revivre le règne des meilleurs rois, et les anciens jours de paix et d’innocence.

Arrêtez, grand Dieu ! montrerez-vous encore votre colère et votre puissance contre l’enfant qui vient de naître ? voulez-vous tarir la source de la race royale ? et le sang de Charlemagne et de saint Louis, qui ont tant combattu pour la gloire de votre nom, est-il devenu pour vous comme le sang d’Achab, et de tant de rois impies dont vous exterminiez toute la postérité ?

Le glaive est encore levé, mes frères ; Dieu est sourd à nos larmes, à la tendresse et à la piété de Louis. Cette fleur naissante, et dont les premiers jours étaient si brillants, est moissonnée[2] ; et si la cruelle mort se contente de menacer celui qui est encore attaché à la mamelle[3], ce reste précieux que Dieu voulait nous sauver de tant de pertes, ce n’est que pour finir cette triste et sanglante scène, par nous enlever le seul des trois princes[4] qui nous restait encore pour présider à son enfance, et le conduire ou l’affermir sur le trône.

Au milieu des débris lugubres de son auguste maison, Louis demeure ferme dans la foi. Dieu souffle sa nombreuse postérité, et en un instant elle est effacée, comme les caractères tracés sur le sable. De tous les princes qui l’environnaient, et qui formaient comme la gloire et les rayons de sa couronne, il ne reste qu’une faible étincelle, sur le point même alors de s’éteindre. Mais le fonds de sa foi ne peut être épuisé par ses malheurs : il espère, comme Abraham, que le seul enfant de la promesse ne périra point ; il adore celui qui dispose des sceptres et des couronnes, et voit peut-être dans ces pertes domestiques la miséricorde qui expie et

  1. Le duc de Bourgogne.
  2. Mort du duc de Bretagne, frère aîné de Louis XV, arrivée encore peu de jours après.
  3. Le roi Louis XV fut alors à l’extrémité.
  4. Mort du duc de Berri, oncle du roi Louis XV.