Page:Massillon - Sermons et morceaux choisis, 1848.djvu/647

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

maux paraissent réunis sur nous ; et Dieu, qui nous en préparait les ressources, ne nous les montrait pas encore : Denain et Landrecies étaient encore cachés dans les conseils éternels. Cependant notre cause était juste : mais l’avait-elle toujours été ? Et que sais-je, si nos dernières défaites n’expiaient pas l’équité douteuse ou l’orgueil inévitable de nos anciennes victoires ?

Louis le reconnut ; il le dit : « J’avais autrefois entrepris la guerre légèrement, et Dieu avait semblé me favoriser ; je la fais pour soutenir les droits légitimes de mon petit-fils à la couronne d’Espagne, et il m’abandonne ; il me préparait cette punition que j’ai méritée. » Il s’humilia sous la main qui s’appesantissait sur lui ; sa foi ôta même à ses malheurs la nouvelle amertume que le long usage des prospérités leur donne toujours ; sa grande âme ne parut point émue : au milieu de la tristesse et de l’abattement de la cour, la sérénité seule de son auguste front rassurait les frayeurs publiques. Il regarda les châtiments du ciel comme la peine de l’abus qu’il avait fait de ses faveurs passées : il répara, par la plénitude de sa soumission, ce qui pouvait avoir manqué autrefois à sa reconnaissance. Il s’était peut-être attribué la gloire des événements ; Dieu la lui ôte, pour lui donner celle de la soumission et de la constance.

Mais le temps des épreuves n’est pas encore fini. Vous l’avez frappé dans son peuple, ô mon Dieu ! comme David ; vous le frappez encore comme lui dans ses enfants : il vous avait sacrifié sa gloire, et vous voulez encore le sacrifice de sa tendresse.

Que vois-je ici ! et quel spectacle attendrissant même pour nos neveux, quand ils en liront l’histoire ! Dieu répand la désolation et la mort sur toute la maison royale. Que de têtes augustes frappées ! que d’appuis du trône renversés ! Le jugement commence par le premier-né ; sa bonté nous promettait des jours heureux ; et nous répandîmes ici nos prières et nos larmes sur ces cendres chères et augustes. Mais il nous restait encore de quoi nous consoler. Elles n’étaient pas encore essuyées nos larmes, et une princesse aimable[1], qui délassait Louis des soins de la royauté, est enlevée, dans la plus belle saison de son âge, aux charmes de la vie, à l’espérance d’une couronne, et à la tendresse des peuples qu’elle commençait à regarder et à aimer comme ses sujets. Vos

  1. Adélaïde de Savoie.