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LA COMTESSE BERTRAND

Sainte-Hélène ; nous y passerons un an, ensuite je reviendrai en Angleterre avec mon mari et mes trois enfants… » Et le général écrivit lui-même : « J’ai le projet de revenir en Angleterre l’année prochaine ; j’écris à Lord Keith pour m’obtenir les autorisations nécessaires, et je vous prie de vouloir bien seconder la demande qu’il fera à ce sujet. »

Voilà le chef de la Maison, l’homme essentiel, le personnage décoratif, celui qui devrait jouer le premier rôle et ranger tout le personnel à ses ordres. Il n’est là qu’en passant ; dans douze mois il partira, et, par suite, il ne saurait faire de projets ni prendre de responsabilités. Entre son dévouement à l’Empereur, son amour pour sa femme, sa faiblesse pour ses enfants, il est constamment étreint et s’égare. Il ne satisfait personne et se mécontente lui-même. Plus il sera honnête, plus il montrera de vertus, plus il prouvera sa droiture, moins il fera sa cour, et Mme Bertrand le trouvera d’autant moins attentif qu’ailleurs il sera plus dévoué. Dès Rochefort, elle s’est rendu compte de l’isolement absolu dans lequel elle sera condamnée à vivre et qui, pour une femme telle qu’elle est, sera entre les pires supplices. Elle est, en effet, peu disposée à frayer avec de nouvelles connaissances qui ne touchent pas à la société où elle naquit et où elle vécut, au moins jusqu’à son mariage ; plus tard même, semble-t-il, car elle prit l’époux plus que son milieu, vivant très intime