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LES MÉMOIRES DE NAPOLEON

pense le contraste entre la magnificence des dignités et le stoïcisme de celui qui en fut revêtu.

À ce moment, rendu, par la captivité même, plus libre de ses mouvements vis-à-vis des personnages de sa suite, l’Empereur montrait ses préférences et presque uniquement vivait avec le Grand maréchal et Las Cases. Celui-ci lui fournissait l’interlocuteur qui lui plaisait, car presque tout de sa vie et de son histoire lui était nouveau. Las Cases lui donnait la réplique juste ce qu’il fallait pour qu’il rebondît ; il lui suggérait des dates, lui rappelait les noms, établissait le rapport de parente ou d’alliance entre les familles souveraines, fournissant des notions sur ce qui était d’ancien régime, sur la France de l’Émigration dont il avait été. Enfin, il témoignait une admiration dont son dévouement, sa volontaire expatriation attestaient la sincérité.

L’Empereur savait qu’il tenait un journal, et il avait paru l’approuver ; seulement, les récits qui s’y trouvaient rapportés étaient faits à bâtons rompus, et Las Cases rêvait d’écrire l’Histoire ou les Mémoires de l’Empereur. Napoléon, de son côté, avait de longue date formé un pareil projet : « Je veux, avait-il dit aux soldats de sa Vieille-Garde en leur faisant ses adieux à Fontainebleau, je veux écrire les grandes choses que nous avons faites ensemble. » Il fallut donc peu d’instances pour le déterminer, et, sans attendre qu’il fût débarqué à Sainte-Hélène, qu’il eût des livres où trouver des