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NAPOLÉON À SAINTE-HÉLÈNE

étrangers ; il semblait se défier de lui, disant qu’il ne pourrait jamais arriver au résultat ; il rêvait alors quelques minutes, puis se levait, se mettait à marcher et commençait à dicter. Dès cet instant, c’était un tout autre homme : tout coulait de source ; il parlait comme par inspiration ; les expressions, les lieux, les dates, rien ne l’arrêtait plus ».

Chaque dictée corrigée engendrait une dictée nouvelle qui répétait le même sujet, mais avec des différences sensibles. La seconde version, « plus positive, plus abondante, mieux ordonnée », différait parfois même sur le fond. Le jour d’après, on présentait à l’Empereur cette deuxième version ; à la première correction, il dictait tout à nouveau, et cette troisième dictée tenait des deux premières et les mettait d’accord. Désormais, « eût-il dicté une quatrième, une septième, une dixième fois, ce qui ne fut pas sans exemple, c’étaient toujours les mêmes idées, la même contexture, presque les mêmes expressions ». Cela explique le nombre de versions qui se rencontrent de certains récits et l’espèce de similitude qu’elles présentent, — point telle pourtant qu’il n’y ait pas un intérêt majeur à les confronter, ne serait-ce que pour mettre en regard les mots dont il s’est servi pour exprimer la même pensée.

Car l’Empereur ne se contenta point de dicter à Las Cases ; il commença, à partir du 7 octobre, à dicter à Gourgaud, et sur les mêmes époques de son histoire, siège de Toulon, campagnes d’Italie,