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NAPOLÉON À SAINTE-HÉLÈNE

les manœuvres des Montholon que les colères de Gourgaud, ne pouvant, comme le Grand maréchal, chercher un peu de paix dans son intérieur ; n’ayant point eu d’autre but que d’entrer dans la confidence de l’Empereur et n’ayant point cherché d’autre emploi à son activité que de recevoir ses dictées et recueillir ses paroles, il pouvait penser que s’il avait réussi dans le premier cas, il échouait présentement dans le second, et qu’il n’avait point à poursuivre une œuvre qui appartiendrait à Napoléon et nullement à Las Cases. Il n’en était point de même dans le cas de son journal : là, il s’était si étroitement mêlé à l’Empereur qu’on ne pouvait les séparer ; Napoléon parlait, mais il avait un interlocuteur, et c’était Las Cases. Las Cases donnait la réplique, mais il ne s’abstenait pas d’émettre ses idées, de raconter sa vie, de vanter son Atlas, de faire valoir son dévouement. Il tenait registre de ces propos, mais le manuscrit se gonflait et devenait énorme. Si, pour un peu moins de deux années, quatre mille pages étaient noircies, que de pages pour dix ans, au cas que la captivité et la vie de l’Empereur se prolongeassent dix années ? Il y avait le dégoût, la lassitude, l’ennui. On ne va pas jusqu’à penser que Las Cases a préparé sa sortie en se faisant prendre ainsi en flagrant délit, mais qu’il a sciemment risqué d’être déporté pour un si médiocre profit et avec d’aussi médiocres chances ; autrement faudrait-il douter que cet homme de cinquante ans fut de bon sens. Or, malgré l’obscur-