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NAPOLÉON À SAINTE-HÉLÈNE

mémoire est revenue et il parle continuellement de ce qui aura lieu à sa mort. »

Le testament qu’il vient d’écrire — d’écrire, en entier, deux fois, de sa main, à l’exception des états rédigés et copiés par Marchand — le testament, résultat d’une méditation profonde, œuvre la plus grave qu’il ait accomplie depuis sa captivité, devient, dès qu’on en analyse les dispositions, le plus étonnant résumé de sa vie ; il y raconte son enfance et sa jeunesse entières ; il dit les hommes qu’il a aimés, ceux qu’il a estimés, ceux qu’il plaint et qu’il immortalise parce qu’ils furent sacrifiés pour sa cause et qu’ils furent persécutés pour l’avoir servi. Il dit l’ardeur de son amour pour les vétérans de ses armées et pour le Peuple dont la grandeur fut inséparable de sa gloire : Tout cela. — Mais il dévoile aussi le fond de son cœur ; Celui dont il ne parlait pour ainsi dire jamais, dont il ne souffrait point qu’on lui parlât, dont il avait constamment sous les yeux les portraits enfantins, celui-là, c’est lui qui emplit ce testament, comme il emplissait le cœur de son père. Non qu’il lui lègue les trésors qu’on lui attribue. …Pauvres trésors ! Mais tout ce qui le représente ou l’incarne, ce qui l’a touché, ce qui l’a vêtu, ce qui garde sa forme périssable et qui en témoigne, les souvenirs qu’il a reçus des souverains, les présents qu’il tient de sa mère et de ses sœurs, l’insigne suprême de son commandement et la représentation de sa gloire.