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NAPOLÉON À SAINTE-HÉLÈNE

ce sujet et seraient particulièrement embarrassantes. Mais, indépendamment de ces considérations, vous connaissez assez les sentiments du peuple de ce pays-ci pour ne point douter que Buonaparte ne devînt immédiatement un objet de curiosité, et sans doute, après quelques mois, un objet de compassion, et la circonstance de son séjour ici, ou n’importe où en Europe, contribuerait à maintenir un degré de fermentation en France. » C’est pourquoi on s’arrêtait à Sainte-Hélène, d’abord parce que ce qui était illégal en Angleterre était légal dans cette île, domaine de la Compagnie des Indes ; que cette île, hors de toute route, était comme l’in pace de l’Océan ; qu’on pouvait d’autant plus facilement y garder un prisonnier que la nature avait tout fait pour rendre ses côtes inabordables ; qu’aucun mouvement d’opinion n’y était à craindre, puisque la population entière y dépendait du gouverneur, — la blanche à cause des places, la noire ou la jaune à cause du fouet et de la vie ; bref, une prison naturelle et qui avait l’avantage de passer pour un agréable lieu d’exil ou de déportation. L’on s’empressa de recueillir des renseignements, car ce point des possessions de la Compagnie était singulièrement négligé, et le seul ouvrage qu’on eût jusqu’alors écrit en anglais sur Sainte-Hélène, l’History of the Island of St. Helena, que T. H. Brooke avait publié en 1808, semblait inconnu aux ministres de Sa Majesté ; tout le moins y préféraient-ils des témoignages directs.