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Page:Masson - Alfred de Vigny, 1908.djvu/26

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privilégiée. Deux sangs nobles, pensait-il, s’unissaient en lui : l’un, du Nord, avec la vigueur gauloise ; l’autre, du Midi, avec toutes les ardeurs romaines ; et « ces deux sangs s’étaient réunis dans ses veines pour y mourir[1] ». Ce manque même de postérité, cet arrêt simultané de deux races choisies, qui semblaient s’être épuisées en cette dernière et supérieure individualité, faisait autour de lui comme une solitude princière, où il se complaisait. Lui aussi, il se sentait un « fils de roi ».

Mais l’effort loyal de son esprit l’invitait à combattre ces obscurs « mouvements d’instinct » qui « pouvaient troubler ses idées[2] » : « Étant né gentilhomme, il faisait l’oraison funèbre de la noblesse[3] » et constatait avec une intelligence sans amertume « l’invincible nécessité » qui emporte le monde moderne « vers une démocratie universelle[4] ». La Révolution de Juillet, en le débarrassant pour

  1. Mémoires inédits, cités par Ernest Dupuy, op. cit. p. 146.
  2. Journal, p. 51.
  3. Id., p. 256.
  4. Id., p. 78.