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114 REVUE d’histoire LITTÉRAIRE DE LA FRANCL.

avec raison que toute cette partie de la Profession est dirigée contre Helvetius. Mais, s’il avait relu parallèlement V Emile et le livre De VEsprit, il se serait aperçu que ce n’était pas là les seules pages de la Profession où Helvetius fut visé, et de façon très précise. Rousseau a mis dans la bouciie du Vicaire plusieurs citations ano- nymes de Y Esprit. Il est aisé de les retrouver.

Emile, édit. orig., Amsterdam, Néaulme, 1762, 4 vol. in-12, t. III, p. 70-2 note : « Il me semble que loin de dire que les rochers pensent, la philosophie a découvert au contraire que les hommes ne pensent point. Elle ne reconnoît plus que des êtres sensitifs dans la Nature, et toute la difîérence qu’elle trouve entre un homme et une pierre, est que l’homme est un être sensitif qui a des sensations, et la pierre un être sensitif qui n’ena pas... Iln^y a, dit-on^ que des individus dans la Nature, mais quels sont ces individus?... h’ attraction peut être une loi de In Nature dont le mistère nous est inconnu; mais nous concevons au moins que V attraction ., agissant selon les masses, n’’a rien d’incompatible avec rétendue et la divisibilité. Concevez-vous la même chose du sentiment >>?

De l’Esprit, édit. orig. p. 31-2 (Discours I, chap. iv) : « L’on a de tout temps et tour à tour soutenu que la matière sentoit ou ne sentoit pas... L’on s’est avisé très tard de se demander sur quoi l’on disputoit, et d’attacher une idée précise à ce mot de matière. Si d’abord l’on en eût fixé la signification, on eût reconnu que les hommes étoient, si je l’ose dire, les créateurs de la matière, que la matière n’étoit pas un être, quil ny avoit dans la nature que des individus auxquels on avoit donné le nom de corps et qu’on pouvoit entendre par le mot de matière que la collection des propriétés communes à tous les corps. La signification de ce mot ainsi déterminée, il ne s’agissoit plus que de savoir si l’étendue, la solidité, l’impénétrabilité étoient les seules pro- priétés communes à tous les corps; et si la découverte d’une force, telle, par exemple, que Vattraction ne pouvoit pas faire soupçonner que les corps eussent encore quelques propriétés inconnues, telle que la faculté de sentir, qui, ne se manifestant que dans les corps organisés des ani- maux, pouvoit être cependant commune à tous les individus ».

Emile, III, 73-6 : « Sans doute, je ne suis pas libre de ne pas vouloir mon propre bien, je ne suis pas libre de vouloir mon mal; mais ma liberté consiste en cela même, que je ne puis vouloir que ce qui m’est convenable, ou que j’estime tel, sans que rien d’étranger à moi me détermine... Le principe de toute action est dans la volonté d’un être libre, on ne sauroil remonter au-delà. Ce n’est pas le mot de liberté qui ne signifie rien, c’est celui de nécessité. Supposer quelque effet qui ne dérive pas d’un principe actif, c’est vraiment supposer des effets sans cause, c’est tomber dans un cercle vicieux ».

De l’Ksprit, 36-8 (I, iv) : « On a donc une idée nette de ce mot de