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HOUSSEAU CONTUE HELVETIUS. 117

IcinplcrriJnivors, in’i’lever à la main <jiii le gouverne : je puis aimer le bien, le faire, el j(5 me com|»anM’ois aux hôtes’? Ame abjecte, c’est ta triste philosophie qui le rend semblable à elles! ou plutôt tu yeux en vain l’avilir, ton }^énie dépose contre tes principes, ton cœur bienfaisant dément ta doctrine, et l’abus même de tes facultés prouve leur excellence en dépit de toi » {Emile, lil, 65-6). Depuis loni^’^temps, et dès l’apparition même du livre, on avait compris que l’apostrophe s’adressait à Helvetius. Mais cette violence d’indi- iiuation .semblerait peut-être inexplicable, si rien ne la préparait ou l’accompagnait. L’anathôme à Helvetius apparaît maintenant encadré dans une série de réfutations partielles, qui justifient cette brusque explosion, ou qui du moins l’expliquent.

III

LA REFUTATION DU LIVRE « DE L ESPRIT » ET LA COMPOSITION DE LA « PROFESSION DE FOI ».

Ce n’est pas d’ailleurs le seul intérêt de ces réfutations. Elles sont un document pour l’histoire de Y Emile, et plus spécialement de la Profession de foi. Mais ce documenta besoin d’être interprété. M. Schinz a essayé de le faire |)artiellement dans son article; et voici — je résume de mon mieux ses conjectures, qui ne sont pas toujours très clairement ordonnées, — la conclusion un peu inat- tendue à laquelle il aboutit. D’après lui, la dissertation de Rousseau sur l’activité du jugement, — enclave manifeste dans la Profession, — y aurait été insérée après coup pour réfuter le sensualisme d’Helvetius; etM. Schinz reconstitue ainsi l’histoire de ce morceau : Rousseau reçoit d’Helvetius la première édition de VEsjiril; il lit l’ouvrage, en sent tout le danger, en projette unfe réfutation détaillée, et, pour ce, commence à l’annoter parle menu. Cependant, comme il vient de composer la Profession de foi du Vicaire savoyard, il

i. Dès les premières pages de VEspril, ilelvélius avait aUribué à des différences purement physiques (mains et doigts flexibles) la supériorité de l’homme sur les autres animaux ; et, venant à se demander • pourquoi les singes dont les pattes sont, à peu près, aussi adroites que nos mains, ne font-ils pas des progrès égaux aux progrès de l’homme », — il avait répondu par des considérations de ce genre : • C’est que les singes sont fruj^ivores, qu’ils ont moins de besoins et par consé- quent moins d’invention que les hommes; c’est que d’ailleurs leur vie est plus courte...; c’est qu’enfin la disposition organique de leurs corps les tenant, comme les enfants, dans un mouvement perpétuel, même après que leurs besoins sont satisfaits, les singes ne sont pas susceptibles de l’ennui qu’on doit regarder... comme un des principes de la perfectibilité de l’esprit hjmain •. {De CEsprit, èdil. orig., p. 3, note.)