Page:Matter - Saint-Martin, le Philosophe inconnu, 1862.djvu/21

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’on écoutât avec un peu de froideur de simples professeurs de jurisprudence. De la part de Saint-Martin cela s’explique d’autant mieux qu’il avait pris, dès le collège, le goût des lectures philosophiques. Car il est évident qu’un homme qui a lu, à dix-huit ans, les philosophes à la mode, en a commencé la lecture fort jeune. Saint-Martin, en les abordant, était non-seulement très-jeune, mais trop jeune assurément. Il nous le prouvera par ce qu’il en dira plus tard : un penseur aussi profond et aussi lucide que lui ne médit des philosophes qu’autant qu’ils les a lus avec son imagination plutôt qu’avec sa raison.

Cette circonstance suffirait pour expliquer un peu d’éloignement pour l’étude de la jurisprudence à l’époque même où l’Esprit des lois d’un grand écrivain faisait négliger la lettre du Code et les traditions de la Coutume, et dans un temps où l’on aimait mieux prendre le vol sur de hautes questions de politique que de suivre modestement une solution de droit. Une autre raison venait se joindre à celles-là dans la vie de Saint-Martin : c’était le peu de goût d’un enfant de souche militaire pour la robe du magistrat qu’on lui destinait.

En effet, son père désirait vivement son entrée dans la magistrature, carrière qui ne souriait nullement au jeune étudiant. Cependant, fils respectueux, Saint-Martin acheva ses études et se fit recevoir avocat du roi au siège présidial de Tours. Sa réception, telle qu’il nous la raconte, ne fut pas très-brillante. Il y versa des larmes plein son chapeau, dit-il ; ce qui nous donne une idée générale de sa tournure d’esprit et de son style trop riche en figures très-hasardées. La manière dont il