Page:Matter - Saint-Martin, le Philosophe inconnu, 1862.djvu/22

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remplit ses fonctions pendant six mois répondit malheureusement à ce début. Le tout l’humilia au point qu’il sollicita avec vivacité la permission de sortir d’une carrière qui aurait pu mener à des postes élevés un protégé du duc de Choiseul très-propre à recueillir, en se dépêchant un peu, la succession d’un oncle conseiller d’État. Son insistance était légitime. « Je n’ai jamais pu savoir, pendant l’espace de six mois, nous dit-il, qui, dans une cause jugée, avait gagné ou perdu son procès, et cela après plaidoiries, délibérations et prononcé du président entendus. »

C’est là évidemment de la poésie en place d’histoire, mais cela même atteste que Saint-Martin n’avait pas l’ambition du métier, que son goût était ailleurs.

Où était son goût ?

Il entra dans la carrière des armes ; mais ce ne fut pas pour s’y faire une position un peu avantageuse ou pour s’y distinguer d’une manière éclatante. Il détestait la guerre au nom de tous ses principes et de toutes ses affections. Il se laissa faire officier pour continuer ses études favorites, celles de la religion et de la philosophie. Ces deux hautes sciences, il ne les connaissait encore que bien imparfaitement l’une et l’autre. Leurs grands textes, qu’il n’a jamais bien approfondis ; leur histoire, où il devait figurer un jour d’une façon très-honorable sans bien la savoir, il les ignorait malgré ses lectures. Mais il en mesurait la portée et en subissait l’attrait. Il aspirait bien à leurs austères beautés, mais par les élans de sa piété plus que par ceux de son génie ; du moins il joue dans leurs annales un rôle plus considérable par la hardiesse de ses solutions que par l’éclat de ses dé-