Page:Matter - Saint-Martin, le Philosophe inconnu, 1862.djvu/32

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

évangélique et équivalent ou même supérieur au christianisme de Fénelon et de Malebranche, de Bossuet et de Leibnitz, voilà qui ne se comprend pas. Que des contemporains de Voltaire et de Rousseau n’aient pas posé une seule fois cette question, qui se présentait si naturellement sur leurs lèvres : De quelle autorité tenez-vous des discours que vous nous citez littéralement et que vous seuls semblez connaître ? voilà qui ne se comprend pas davantage. Aussi je n’admets pas que ce traité donne des leçons faites par Martinez à l’ensemble de ses auditeurs. Je pense, au contraire, qu’il ne contient que ce qui allait aux initiés, aux adeptes véritables, c’est-à-dire la doctrine ésotérique, celle-là précisément qui nous intéresse le plus. Peu nous importe, en effet, ce qu’il a pu dire à tout le monde.

Si l’écrit donne la pensée intime du fameux mystagogue, la donne-t-il tout entière ? Martinez était-il chrétien sincère ou juif dissimulé, loyal enfant de l’Église ou habile disciple de la kabbale ?

Martinez de Pasqualis ne fut rien de tout cela. Théosophe très-mystérieux, il fut au plus haut degré ce que les humbles et modestes de sa race sont sur une petite échelle, c’est-à-dire enthousiaste de sa propre science et très-jaloux de ses dons naturels. Peut-être le fut-il encore plus de ses rapports réels ou imaginaires avec le monde supérieur et ses Vertus ou ses Agents, dont il obtenait, suivant ses disciples, des communications, des lumières, des visions et des forces extraordinaires, grâce aux pratiques secrètes et aux moyens magiques qu’il savait employer pour s’en assurer la possession. On sait que tout mystique qui sort des limites