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LE CROYANT,
Poëme


Qu’entends-je ?… C’est le bruit d’un cliquetis de chaîne
Auquel vient se mêler une clameur lointaine.
D’affreux rugissements ont ébranlé les airs ;
C’est la terrible voix des monstres des déserts !…
Accourez, plébéiens, dans le cirque de Rome ;
Hâtez-vous, venez voir couler le sang de l’homme ;
Venez goûter à l’aise un bien digne plaisir !
Pour récréer Néron, des chrétiens vont mourir !
Place, place au consul, à la vierge sacrée,
Qui nourrit sur l’autel la flamme vénérée !
Place aux augures ! place aux prêtres imposteurs,
Fièrement entourés d’un cercle de licteurs !
Sur la dalle sonore on voit l’immense foule,
À flots précipités, comme un torrent qui roule,
S’élancer dans le cirque en ce jour solennel ;
À Jupiter-Tonnant l’on élève un autel,
Et des prêtres en chœur entonnent sa louange.
À la voix des tribuns tout le peuple se range ;
Sur ses lourds gonds gémit une porte d’airain :
« Les voilà ! les voilà ! » dit la foule ; soudain,
De malheureux captifs, que le licteur entraîne,
Au devant de la mort s’avancent dans l’arène :
« Vils chrétiens, leur dit-on, pour calmer son courroux,
» Devant notre empereur fléchissez les genoux ;
» Adorez Jupiter, que Rome entière adore,
» Et reniez ici votre Christ, qu’elle abhorre. »