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Non point par ce flambeau dont la lueur perfide,
Comme ces feux errants, vers l’abîme nous guide ;
Mais par ce beau soleil qu’on appelle la Foi,
Frères, je me souviens de ces heures d’émoi
Où, prodiguant vos soins à l’épouse que j’aime,
Par votre saint langage, à cet autre moi-même,
En lui montrant les cieux, vous rendiez le bonheur,
Quand déjà sur son front, que couvrait la pâleur,
Je croyais de la mort voir se peindre l’image.
De ma reconnaissance accueillez donc l’hommage !
Je saurai dans mon cœur garder ce souvenir ;
L’absence ni le temps ne pourront l’en bannir.


Séparateur


Sous les pas des coursiers un torrent de poussière
S’élève et du soleil obscurcit la lumière.
J’entends la mâle voix du clairon belliqueux,
EL les hennissements des coursiers valeureux.
Dans l’air a retenti ce cri terrible : « Aux armes ! »
Et tout-à-coup l’on voit, dans la plaine en alarmes,
Dans les plis du vallon, des milliers de soldats
Ardemment s’élancer au-devant du trépas.
Un éclair a brillé… Soudain les canons grondent ;
Sur les monts, dans les bois les échos se répondent.
Le rapide boulet, qui s’échappe en sifflant,
Dans les rangs ennemis trace un sillon sanglant,
On s’approche, on se mêle, on combat avec rage ;
Le désordre est partout, partout naît le carnage.
Au milieu de débris de glaives, d’étendards,
Des membres palpitants dans les champs sont épars…
Mais le bronze se tait, et bientôt la nuit sombre
Approche, et par degrés étend partout son ombre.
Les blessés, les mourants, sur la terre étendus,
Parmi leurs frères morts languissent confondus ;
Accablés de douleur, délaissés, ils gémissent,
Et leurs plaintes au loin tristement retentissent.
Quel sera le destin de ces infortunés !
Devront-ils en ces lieux périr abandonnés ?
Reverront-ils encor les champs de leur patrie ?