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Aux baisers de sa mère !… Ô regrets superflus !
Les côteaux d’Yemen ne la reverront plus !
Ces hommes, cependant, qui flétrissent sa vie,
Et dans leurs chaînes d’or la tiennent asservie,
Pour un geste innocent, pour un simple regard,
La feraient aussitôt tomber sous leur poignard,
Ou livreraient vivante au requin du Bosphore
L’amante que bientôt le monstre affreux dévore.
Ce palais que surmonte un large croissant d’or,
C’est la prison splendide où la captive dort ;
Là, l’ennuque muet, d’une main menaçante,
À l’infidèle montre une corde effrayante.
Au bord de Marmara, des kioskes scintillants
Étalent au soleil leurs vitrages brillants ;
À l’ombre des cyprès, parmi les blanches tombes,
Le beau cygne folâtre au milieu des colombes.
Voyez ces musulmans aux portes des bazars ;
Voyez ces cavaliers qui couvrent les remparts ;
Sous les pas des coursiers ils font trembler la terre ;
Leur bras nerveux brandit un large cimeterre :
Mais un cadi paraît, et ce craintif troupeau
Court présenter sa tête au lacet du bourreau.
Énervés par le vice, avilis, sans courage,
Et façonnés au joug d’un honteux esclavage,
Ils n’osent devant lui lever leur pâle front ;
Ils ne distinguent point la gloire de l’affront ;
Aucun noble penser ne germe dans leur âme ;
Ils n’ont de passion que pour le vice infâme ;
Muets adorateurs de la fatalité,
Ils ne connaissent point l’aimable liberté ;
Leur prophète ne peut apaiser leurs souffrances !
Ah ! l’abus mensonger de viles jouissances
Vaut-il le vrai bonheur que vous donne la foi,
Ô vous qui de Jésus suivez la douce loi ?

Mais, je l’espère, un jour, pour un plaisir infâme,
Le Turc ne voudra plus rendre esclave la femme,
Quand il saura le prix d’un cœur en liberté,
Quand, pour le rendre heureux, la Foi, la Charité