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jules laforgue

sitée, ce que je nommerai la permanence dans le caractère. Leurs livres disent ce qu’ils furent, mais eux-mêmes eussent donné de leurs livres une idée exacte avant qu’on les ouvrît, et s’ils sont morts on ne saura jamais tout l’amour qu’ils méritèrent. Ils ne s’étaient pas occupés uniquement de créer des œuvres complètes et d’y mettre le plus passionnant d’eux-mêmes, et cette exigence de la littérature et du chef-d’œuvre leur paraissait tyrannique : ils ne s’étaient pas renonces au profit d’un dédoublement extériorisé, mais ils avaient songé d’abord à présenter par leur individu même l’exemplaire accompli d’humanité qu’ils rêvaient, et la confrontation de leur âme à l’univers voulait être seule.

Ils surent que les livres ne s’adressent qu’à la terre, que la conscience et la sensibilité vont bien plus loin, que le moyen de l’art est restreint, et ils honorèrent plus fidèlement et plus spacieusement l’invisible. Leur gloire est moins temporelle et moins impérieuse que celle des autres artistes :