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Page:Maufrais Aventures au Matto Grosso 1951.djvu/161

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CHAPITRE VI

SUR LA RIVIÈRE DES MORTS


Symphonie des verts qui se reflètent indéfiniment sur l’eau, les berges du Rio das Mortes défilent au rythme cadencé des rameurs qui peinent sur les lourds avirons, donnant à notre barque une impulsion rapide. Des troncs livides et décharnés mordent la nappe lisse du courant avec des bouillonnements d’écume, les « fatobas » et les « sarans » inclinent leurs branches aux arceaux joliment ouvragés, les « cédros » balancent leurs gigantesques ramures chargées de lianes qui dégringolent en lourdes colonnes torsadées, s’accrochant parfois comme des guirlandes aux troncs étriques des cocotiers ployant sous des grappes de fruits énormes, oscillant aux gambades des « garribas »[1] apeurés.

L’exubérance magistrale de la végétation qui borde le rio fait lever haut la tête. Des cavernes d’ombres profondes creusent le fouillis de la sylve violacée dont le silence n’est troublé que par l’appel bref des « araras »[2] au plumage radieux. Les kilomètres succèdent aux kilomètres. Le ciel est implacablement bleu. L’air n’est chargé

  1. Singe hurleur.
  2. Sorte de perroquet.