Page:Maufrais Aventures au Matto Grosso 1951.djvu/194

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La nature autour de nous, les chants de la jungle, l’odeur fauve du village… harmonie. Que ne suis-je assez éloquent pour analyser cette brutale sensation de retour à la vie qui m’étreignit à tes côtés. Aujourd’hui, à revoir ces notes, tellement proche d’un nouveau départ, c’est à toi, vieil Indien, que je pense. Ta forêt a su me captiver comme nulle femme au monde ne pourra jamais le faire. Avoir la force d’être homme. De renoncer à tout ce clinquant, de partir pour toujours, toujours, là où il a encore de la pureté, là où la vie est permise.

J’ai laissé le vieil Indien. J’ai repris ma promenade solitaire…

Près de la place, à côté d’une case aux chaumes pendants, il y a un bouquet de bananiers. Le vieux, de loin, me crie :

— Auri anri taxata… (bananes… c’est bon).

J’avise dans la pénombre un régime dont les fruits, quoique minuscules, paraissent mûrs à point. Je tends la main et la retire précipitamment avec un cri de douleur cependant qu’un tintamarre infernal se déchaîne. Des « araras vermelho », oiseaux sacrés aux yeux des Indiens qui les plument librement pour agrémenter leurs parures de fête, avaient élu domicile dans le bananier. Dérangés dans leur sommeil par la main imprudente que je tendais, après m’avoir violemment mordu de leur bec acéré, ils jacassent à perdre haleine, telles les oies du Capitole, pour ameuter le village sus au voleur. Encouragés par cette algarade, les chiens se déchaînent, aboient férocement…

Je m’enfuis éperdu, cherche la case sans la retrouver, -