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Page:Maufrais Aventures au Matto Grosso 1951.djvu/195

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rage, peste, la trouve enfin, m’affale dans le hamac, essoufflé, honteux, pour chercher un sommeil qui se refuse, le cœur battant à grands coups.

— Debout, Français, debout, esta na hora (c’est l’heure). Après avoir écarté la moustiquaire, Meirelles me secoue comme un prunier, brisant au beau milieu un rêve d’or, tout en achevant d’enfiler ses bottes.

— Dépêche-toi… Malhoa nous invite dans sa case.

Je rouspète un peu. Pour la forme. Essaie de me raccrocher à mon rêve, j’abandonne ; je me verse une pleine gamelle d’eau sur la tête, un coup de peigne, bottes feutre, je boucle la cartouchière…

— Allons, Meirelles, dépêchons-nous, esta na hora…

A mon tour de le presser : l’animal lisse ses moustaches. Les caboclos sont partis à la crique calfater la barque et faire leur toilette. Duke, pas encore très bien remis de sa blessure au pied, reste dans la case pour veiller sur le matériel et astiquer les armes.

Nous sortons. La réverbération de la rivière qui poudroie contraste violemment avec la douce pénombre de la case et me brûle les yeux.

Le village est désert, écrasé sons un soleil invariablement torride. Les chiens ont disparu, fuyant la canicule, vautrés à l’ombre de quelques palmiers étiques, tirant avec effort une langue baveuse et violacée.

Dans l’embrasure de l’entrée des cases quelques visages curieux se montrent, des mouches bourdonnent, on n’entend qu’elles, et, aussi, cette litanie, qui hier au soir me faisait penser à une plainte de cauchemar.

— C’est une Indienne qui pleure ses morte, raconte Mei-