Page:Maufrais Aventures au Matto Grosso 1951.djvu/219

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le traitement qu’infligeaient aux contrebandiers les villa geois nord-américains lors de la guerre de !’Indépendance : le supplice du goudron et des plumes.

Pour Malhoa, ce n’est pas un supplice, c’est au contraire le comble du raffinement de sa toilette. Raari oint son corps avec beaucoup de patience, des pieds à la tête, d’une couche de glu. Sur cet enduit, elle dispose en arabesques originales, une à une, des plumes d’araras, vertes, jaunes, rouges ou bleues.

Puis, sur le dos et les épaules, elle éparpille une calebasse pleine de duvets blanc et roses qui volettent, se posent, s’agglutinent et hérissent l’épiderme. L’apparition de Malhoa au détour d’une piste serait plutôt rébarbative mais pour moi qui étais dans les coulisses, l’effet est ahurissant, et je me tiens à quatre pour ne pas éclater de rire, m’astreignant au contraire à feindre une admiration de bon aloi.

Majestueusement, Malhoa se lève, assouplit ses articulations (un peu racornies), pousse un nouveau grognement (le grognement de l’Indien signifie beaucoup de choses, le tout est de percevoir le ton et d’en augurer l’état d’esprit de celui qui l’émet. C’est presque une gamme, un dialecte, un code, qui est l’expression musicale des sentiments divers qui agitent le cœur indien), surprend mes regards admiratifs, y voit de l’envie, se pavane, se rassoit et, condescendant, ordonne à sa femme de me peindre.

Qttoique très flatté de cette marque d’estime, j’essaie de me dégager, Meirelles me fait comprendre que je « dois accepter ».