Page:Maufrais Aventures au Matto Grosso 1951.djvu/246

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redoute un instant l’attaque d’un banc de poissons-tigres ou de quelque saurien.

Il ne se passe rien. Les chevaux luttent bravement et prennent enfin pied sur la berge en s’ébrouant, puis ils viennent nous rejoindre dans la clairière. Nous sommes maintenant au grand complet, prêts au départ. Il n’y a pas de nouvelles. Je suis déçu. Ma foi, tant pis. Les chevaux sont vite harnachés, un dernier coup d’œil à la rivière et nous prenons la piste taillée au fur et à mesure de notre avance. Clairon, retrouvé et peu rancunier, est merveilleusement docile. Il fait même des grâces et cara­cole comme à la parade.

Partis à six heures trente de la clairière du Rio das Mortes, nous arrivons à deux heures de l’après-midi à un point d’eau cerné de palmiers et appelé « buritisal ». L’eau croupissante et sale grouille de vermine larvaire et de minuscules poissons translucides avec des yeux énormes. Cette oasis est le domaine exclusif des serpents de marécages, minuscules et terriblement venimeux, que l’on appelle « cobra coral ». De gros lézards à la crête den­telée jettent leur langue fourchue à tout venant pour happer les myriades de moucherons qui planent sur le marécage hérissé de bambous.

Nous repartons après nous être restaurés frugalement suivant une habitude qui nous est chère. La région que nous allons parcourir est semblable à un désert avec des touffes d’herbes jaunes et des cailloux coupants qui servent de refuge à des araignées-crabes. Quelques scorpions aussi. Peu. Le soleil est torride, le canon des carabines brûlant. Nous courons après l’ombre de rares