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Page:Maufrais Aventures au Matto Grosso 1951.djvu/54

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temps ne compte pas, l’usage du calendrier n’a pas encore franchi les frontières de ces régions perdues et un solide fatalisme habite le cœur de ses habitants. Pablo est assis sur un sac de viande sèche, à côté de mon hamac, insensible aux piqûres des moustiques innombrables.

« Garde ta crasse, m’avait-il conseillé, c’est le remède le plus efficace contre ces bestioles… elis estao danados. »[1]

Pablo tire de pénibles bouffées de la cigarette dont le tabac humide ne prend pas, un peu comme les bougies de notre moteur qui, sans doute grippées, depuis deux jours restent muettes.

Sacrée panne…

Nous avons élevé le camp en bordure de la piste, dans la clairière taillée au machete à même une muraille haute de dix mètres, inextricable, compacte, élastique, formée de l’enchevêtrement de milliers d’arbustes épineux, de lianes et de palmiers nains qui croupissent à l’ombre des grands arbres, les rivant les uns aux autres comme des géants prisonniers d’une immense toile d’araignée.

Depuis Goyana, nous avons parcouru trois cents kilomètres, roulant à petite allure en direction de Léopoldina, à la frontière du Matto Grosso, lieu du rendez-vous fixé par Meirelles.

Trois cents kilomètres que j’indique d’un trait rouge sur la carte de la région en essayant de situer le lieu de notre camp. La piste que nous avons empruntée n’est pas même tracée. Comment le serait-elle, d’ailleurs ?

Ravinée en diable, étroite de deux mètres, disparaissant sous des étendues d’eau sans fin, taillée à la hache dans

  1. « Ils sont damnés ».