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Page:Maufrais Aventures au Matto Grosso 1951.djvu/63

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criards et minuscules nous observent avec intérêt, peureusement groupés à la cime des cocotiers qui se balancent. Des toucans râlent. Des myriades de fourmis ailées emplissent les yeux, les oreilles, les narines. La perche est lourde, les deux porcs ont une odeur fauve, un peu écœurante. Soudain, c’est la nuit. Le froid me glace, le feu de camp nous oriente, les hommes n’ont pas bronché. Ils jettent un regard bref sur notre chasse. Le thermomètre indique une différence de température de 23°.

Un tapir, tué par Sylvio, mijote dans sa peau, à même le brasier, avec son groin en forme de trompe. Nous dépeçons les caetetus et les meilleurs morceaux, enfilés sur des branches élaguées, sont mis à boucaner sur les treillis de branches vertes. Le reste est laissé en pâture aux fourmis rouges. Le repas du soir est expédié en vitesse. Deux poignées de farine de manioc que chacun tire d’une main graisseuse d’un sac et jette à la volée dans sa bouche ouverte, une large tranche de tapir, une tasse de café amer. C’est fini.

Je plonge dans le hamac et m’y recroqueville, un noir gratte sa guitare, une grande lassitude m’envahit. De quoi seront faits mes lendemains ?

Cette solitude morale est exaspérante. Les ombres qui se découpent sur la moustiquaire baragouinent un jargon incompréhensible que j’ai infiniment de peine à saisir et qui m’éloigne davantage d’elles. Leur présence est tangible comme l’est celle des arbres, mais je ne la sens pas.

L’homme à la guitare chante une merveilleuse mélopée empreinte de mélancolie, scandée par Pablo qui tambou-