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Page:Maufrais Aventures au Matto Grosso 1951.djvu/66

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la pluie qui ne cesse pas une seule minute. Des arbres abattus par la foudre barrent la route, les troncs sont lourds, plient comme des fétus les barres de fer que nous glissons sous eux pour les arracher à l’étreinte de la boue. Attelés à des cordes pour tenter de les faire glisser et dégager la piste, les hommes ahannent désespérément, les mains en sang, le corps frissonnant au contact de milliers de petites bêtes qui se glissent dans les vêtements et pataugent dans la sueur. Le camion avance centimètre par centimètre, à la force des bras, sur des ponts improvisés avec des madriers taillés grossièrement à la hache et des soutiens qui plient comme pour se rompre et nous précipiter dans des bourbiers profonds.

Dans la cabine, le trafiquant de peaux vomit, tordu par son mal. Pablo se démène comme un beau diable, insultant les hommes qui ne se pressent pas assez à son gré. Puis, c’est un lac, dont on ne peut préciser la superficie, qui s’étale bêtement au beau milieu de la piste, envahissant la végétation, perdu dans l’infini des broussailles. Impossible de contourner l’obstacle ou d’établir un pont, il faut passer.

Un éclaireur annonce deux mètres de profondeur d’eau, mais il a découvert une sorte de gué qui nous permettra de franchir le lac, à condition de transborder la cargaison pour ne pas la noyer.

La piste est coupée sur trente mètres, presque en ligne droite, avec seulement une courbe raide qui nous cache la limite du lac. Nous quittons nos vêtements, et déchargeons le camion, caisse par caisse. La pluie fait mal où elle frappe, avec ses gouttes lourdes, épaisses…