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Page:Maufrais Aventures au Matto Grosso 1951.djvu/82

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graisse de poisson brillent et encadrent un berceau accolé au mur de terre battue drapé d’une vieille tenture. Dans le berceau, une planche, couverte d’une chape noire avec un grand crucifix d’argent par-dessus : c’est l’autel. Dans un coin sombre, une statue de bois, grossièrement taillée et bariolée de couleurs vives : Saint Sébastien, le patron vénéré du village.

Les femmes se mettent à genoux sur le sol inégal. Quelques-unes ont leur bébé dans les bras ou à cheval sur les hanches. Les aînés tiennent la main des pères, légitimes ou non. Je vous disais que ce soir une grande paix règne sur le village.

Verset par verset, dans une prière ardente, ils disent une messe toute simple. Ce sont deux noires, les deux plus vieilles de la bourgade, avec des visages humbles et crevassés, des cheveux blancs et rares qui conduisent en glapissant cette cohorte de prières entrecoupées de cantiques. Les faces sont extatiques, comme au plus fort des danses, les voix éraillées, mais qu’importent les voix ? Un Dieu est dans le cœur de ces gens simples et rudes, un peu chrétien, un peu païen, sans officiant, ni or, ni encens, mais qui leur donne le droit de réclamer une place au paradis.

Longtemps, gamins obèses et femmes aux longues robes drapant leurs formes fatiguées, les pieds calleux des courses en forêt, ont prié et chanté, dans le vrai cadre d’une religion d’amour et d’humilité, les gloires de cette religion, effaçant d’un seul coup leur longue liste de péchés.

Alors, tout naturellement, aux lèvres du plus perverti