canot, il n’y en pas. Je suis disposé à l’échanger pour mes vivres. Finalement, on me propose, pour rien, une vieille pirogue abandonnée, aux bordages défaits, pleine de trous et de fissures, faisant eau de toutes parts, mais, après examen, capable de naviguer encore dix ou quinze jours.
J’accepte avec joie et me mets aussitôt à l’œuvre. Je calfate de mon mieux, je bricole de ci, de là ; le gendarme m’offre une pagaie. Me voici paré.
Grigel n’est plus le dernier village de l’Ouaqui. Un autre vient de se fonder plus haut, sur la rivière, appelé Vitallo. Le gendarme décide de s’y rendre et, par la même occasion, de remorquer mon canot jusque là, ce qui me ferait une sérieuse économie de temps.
Nous partirons demain matin.
Le soir, dans le hamac, je songe longuement — Mon cœur bat un peu la chamade… en route pour les Tumuc Humac… ça y est, j’y suis ; seul bientôt ! Quelques heures encore du monde civilisé. Cafard… Maintenant, sans rien dire à personne, j’ai peur… mon moral rudement mis à l’épreuve par un mois d’inertie.
Il est vrai que l’aventure, sans souffrance morale de temps à autre, ne serait plus la belle aventure, mais une aventure quelconque, sans aucune peine et, par conséquent, n’amenant aucune satisfaction.
L’effort physique n’est rien : surmonter un moral détaillant, c’est mieux !
— Si vous n’avez pas bon moral, inutile de partir, me dit le gendarme qui me voit mélancolique.
— Non… moral excellent.
C’est faux, mais on me prendrait vraiment pour un fou si l’on savait que je pars avec appréhension. L’enthousiasme a été touché ! Il y a eu trop de prélimi-