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Page:Maufrais Aventures en Guyane 1952.djvu/130

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naires. J’aurais dû penser avec mon moral de France… mais je n’en avais pas les moyens.

Bah ! on trouve un plaisir amer à se fustiger de la sorte, à s’imposer des volontés ne cadrant pas avec les siennes véritablement, simplement pour voir, pour être sport.

On rêve d’un fauteuil confortable sentant le vieux cuir, avec un dossier creusé par vos reins et dans lequel vous êtes encastré délicieusement, avec une lampe douce sur un guéridon bas, recouvert, débordant de revues et de journaux, puis un pot à tabac, une file de pipes bien culotées, la pluie qui tambourine sur les volets clos ; par les rainures de la persienne on voit un bout de bitume glacé avec le reflet des réverbères jaunes et on entend le vent qui fait grincer les enseignes sur leur tige rouillée ou fait dégringoler avec un bruit mat quelques tuiles. Le mirus, dans le fond de la pièce pétille d’une flamme claire qui danse derrière le mica. Le vernis roux est tiède. Une bouilloire ronronne. On tourne un bouton : voici de la musique !

Et cependant, j’ai été las de tout ce à quoi je songe pourtant avec intensité, ce soir. Peut-être parce que la pluie, sur les feuilles de palmier, brutale, tombe sans arrêt et que les singes rouges mènent un vacarme assourdissant et que je suis seul à rêver, dans mon hamac, de tout ce que j’ai laissé — Bruits de la forêt, effroi, ennui, l’on pense aux heures bénies pleines de quiétude des hivers de France.

Mercredi 15 Novembre.

Nous partons à l’aube, au moteur. Mon canot est remorqué et, installé à l’arrière, je le dirige, ma pagaie faisant office de gouvernail.